dimanche 3 février 2013

Semaine 2.

 Le chemin est long jusqu'au coeur des résidants.
 
Cette semaine, l'animatrice principale étant absente, j'ai du gérer plusieurs jours d'affilé l'animation.
Cela m'a permis de me confronter à la démotivation totale des personnes présentes.
 
Le jeu du souvenir
Ce petit jeu consistait à piocher un objet dans un sac rempli par mes soins de petites babioles (dés à coudre, boussole etc) et de demander à la personne d'écrire, ou de simplement évoquer un souvenir relié à l'objet pioché.
 
Le travail fut laborieux, j'ai alors découvert que les gens préféraient parler spontanément, plutôt que par le biais de ces animations où en quelque sorte ils se sentent "forcés" à faire quelque chose.
Je pense aussi que le risque du sentiment d'échec face à tous était un facteur important.
 
Néanmoins si ce jeu n'a pas été un succès total, il m'a permis d'en apprendre un peu plus sur le mode de communication des résidants.
 
En réalité, ce sont elles qui viennent à vous et non l'inverse.
La seule chose à trouver est le petit déclic qui fera qu'il tendront la main pour retenir votre bras et vous parler de leur passé, de leurs histoires.
 
Et des histoires, ah ça, ils en ont...
 
Du chef d'usine au chaudronnier en passant par la marchande, la couturière ou même la prof de maths, autant dire que les histoires ne manquent pas, tant et si bien que j'aimerais pouvoir embrasser toutes ces histoires, mais c'est à ce moment que je comprends que le temps me manque.
 
Alors même que les résidants commencent à m'adopter, me reconnaître, arriver à se souvenir de mon prénom, me voici déjà proche de la fin de mon stage, avec un arrière goût de frustration dans la bouche.
 
J'ai donc décidé d'intervenir auprès de l'administration de la maison de retraite, qui m'a donné son feu vert...
Ne manque plus que celui de l'école supérieure d'art d'Aix, et je serai comblée.
 
Malgré toute la fatigue, la dévotion et la sollicitude que ce stage implique, il me tarde d'être demain, de revoir Gilbert, Liliane, Rose, Marie-Thérèse et Marie-Thérèse, Madame Ricard, René, José, Inès, Félicie, Gilberte et tous les autres...
 
Hâte de les voir se dandiner en attendant que j'inscrive le menu du midi et du soir, hâte de les saluer et de parler italien avec Marie-Louise, une dame au tempérament de feu et à la bouche bien ouverte.
 
AAAH cette Marie-Louise...
"Non devi parlare cosi Marie-Louise, lo sai, ho tutto capito !"
 
 
Croisons les doigts pour une semaine supplémentaire...
 

samedi 26 janvier 2013

Semaine 1.

 
Première semaine et première claque métaphorique.
 
Je prends conscience de l'expression "maison médicalisée" et mesure peu à peu l'ampleur de ce qui se déroule devant moi.
 
À mon arrivée le matin les portes automatiques referment derrière moi le monde réel, pour me laisser pénétrer dans ce cocon, surchauffé, aux couleurs pastelles ou apaisantes.
 
L'ambiance est étrange, calfeutrée et en même temps très lumineuse.
Disons...tamisée.
 
Peu à peu le salon principal s'éveille avec les premiers patients, toujours les mêmes. Le rituel peut alors commencer avec l'affichage de la date, la lecture du journal, et le grand évènement: l'écriture du menu.
 
Les activités se font surtout l'après-midi, et je me cogne de nouveau à la réalité des choses.
Les personnes sont difficiles à motiver. Certaines ayant atteint un degré de handicap si élevé qu'elles ne peuvent participer, d'autres n'ayant tout simplement "pas enve". C'est tout un travail de patience, d'opiatreté et de dialogues qui s'installe pour arriver à occuper des personnes qui au final, sont à longueur de journée dans leur fauteuils.
 
En résulte d'ailleurs souvent des disputes, parfois violentes, souvent sans grande importance, ce ne sont que des mots, au pire, un coup de canne sur la tête...Et tout le monde accoure pour séparer les deux guerriers.
 
Ce n'est qu'en les abordant un par un qu'on peut accéder à leur petit monde, mais là encore, ce sont eux qui décident. On découve alors que derrière chaque visage se cache une histoire, ou au contraire une "non-histoire", et donc une sorte de chagrin intense, qui ne se voit pas forcément au premier regard et qui peut-être caché par l'enfermement, ou un caractère grincheux.
 
C'est ainsi que j'ai pu faire la connaissance de Liliane, 85ans, atteinte de la même maladie que moi. Une femme à la beauté naturelle mais aussi fragile que du verre. Son histoire semble n'avoir aucune limite. Et quand je la regarde, une partie de mon esprit se demande si ce n'est pas mon avenir que j'observe, que j'écoute et qui m'émeut.
 
Hélène quant à elle ne sait plus quel âge elle a, ni ce qu'elle fait, mais ce que j'ai appris d'elle, c'est qu'elle avait deux filles, et que sa couleur préférée est le bleu.
 
Madame Liliane, 85ans, un air revêche, le visage marqué par les émotions. Cette femme pourrait représenter à elle seule le registre de toutes les émotions qu'un humain puisse ressentir. Elle est en fauteuil roulant, et a ce petit regard, cette petite voix de "mamie grincheuse". Mais ce masque tombe quand la nuit vient, et c'est dans mes bras que Liliane a tout bonnement fini une de ses journées interminables, durant lesquelles elle masque ses souffrances derrière des magazines et une surdité grandissante.
 
Et puis, de temps en temps, entre deux tornades émotionnelles, je retrouve Gilbert, né en 1927. Il a 15 ans.
Gilbert est la première personne à qui je me suis présentée le jour de mon arrivée, et depuis ce jour, je me demande toujours s'il se cache quelque chose derrière ses sourires et ses blagues.
 
Il accompagne Reine, une analphabète au nom magnifique et à moitié aveugle, dont j'ai fait la connaissance il y a peu, mais que je compte bien revoir prochainement.
 
Grabataires, séniles, malades, fous ?
Je ne pense pas à ces mots quand j'entre dans les murs de cette résidence.
Les patients demeurent des humains, des êtres à part entière, à leur manière.
 
Et je découvre un peu plus chaque jour ce qui se cache derrière leurs masques, leurs regards.
 
Rendez-vous donc la semaine prochaine...

lundi 21 janvier 2013

Nouveau Départ.

 
Nouveau départ, nouvelle approche.
Revue de mon projet de mémoire, de la forme, de son sujet.
 
 
Début du stage en maison médicalisée:
22 Janvier 2013
 
 
 
J'attends beaucoup de cette expérience.
Beaucoup de projets, une immersion totale,
une approche privilégiée des patients.
 
 
 
Le stage va peut-être m'apporter quelques réponses pour mon mémoire, qui sait ?

mercredi 19 décembre 2012

Projet Alzheimer

Création de tee-shirts, mouchoirs etc sérigraphiés
en partant du motif du myosotis.
 
Travail toujours en cours.
 





Éditions

Collection d'éditions de 13pages environ.
Imprimées par Lulu.com.
 
Travail en cours.

Livret #1 Hôpital.
Livret #2 Maison Vide.
 Livret #3 La Nausée.
 
 


Dessins automatiques

Dessins Automatiques.
Rotring: 0.2mm, 035mm et 0.7mm
 
 
Exploration de l'inconscient et du langage du corps par le dessin automatique.
Processus: dessiner à chaque crise douloureuse, le dessin entraînant la mise en place d'une transe qui laisse place au langage de l'inconscient à travers le dessin. La production s'arrête lorsque la douleur devient insoutenable, poussant la conscience à reprendre le dessus, où lorsque la douleur s'estompe et s'adoucit, mettant ainsi fin à l'état de transe et l'expression de non-dit.
 
 
Projets à venir sur ces dessins:
-sérigraphies avec encre phosphorescente
-création d'éditions aux formes diverses (dépliant, livret, portfolio)
-exploration de la matière (papier) à travers des tirages de dessins selectionnés
-création de puzzles sérigraphiés
 
 







samedi 1 décembre 2012

Lettre à Lexy

Chère Lexy,

ma lettre sera brève.
J'ai continué inlassablement ma lecture, qui se poursuit par trois chapitres respectivement nommés: "la femme désincarnée", "l'homme qui tombait de son lit" et "mains" dont les liens me troublent un peu.

Le premier chapitre raconte l'histoire d'une femme ayant perdu sa "proprioception", un nom pour le moins bizarre qui évoque simplement la capacité naturelle que nous avons à nous tenir debout, sans perte d'équilibre. De manière inconsciente (et consciente en même temps) nous sommes en effet capable de demeurer naturellement debout, sans avoir à se concentrer sur le fait d'être debout. La découverte du terme en lui-même m'a laissée songeuse. Il est vrai que cette capacité me semble tellement naturelle et évidente que je n'ai jamais cherché à savoir d'où elle pouvait bien venir, pourquoi et comment notre corps arrivait-il automatiquement à se positionner selon notre point d'équilibre, de manière à faire que nous tenions debout sans fournir le moindre effort. Dans le livre, cette capacité, cette proprioception donc, est un peu vue comme le sixième sens de l'être humain, résultant à la fois de mécanismes conscients et inconscients, que la médecine et la psychologie réunies ne peuvent complètement expliquer.
C'est d'ailleurs ce manque d'explication, cette sorte de mystère de la nature qui est au centre de ce chapitre qui conte donc l'histoire d'une femme qui, du jour au lendemain, se trouve totalement incapable de se tenir debout, assise, etc. En bref, son corps entier a perdu toute tonicité, et fait d'elle une sorte de poupée de chiffon. Ses mains ne sont plus capables de se mouvoir, et elle serait par exemple bien incapable d'écrire la lettre que je suis en train d'écrire.
À force d'observation, Olivier Sacks se rend compte que la voix même de la patiente a perdu son timbre naturel, de même que ses expressions, sa manière d'être semble totalement différente. C'est elle même qui se désigne comme "une femme désincarnée", une poupée de chiffon atone et inerte, allongée sur un lit.
Ce n'est qu'à force d'exercices, d'entraînements et d'énormément de temps que cette patiente, aux prix d'efforts incalculables parvient finalement à retrouver un semblant de mobilité. Pour cela, elle doit regarder ce qu'elle fait pendant qu'elle le fait, de manière à compenser son déficit par la vue. En voyant sa main bouger, elle arrive à la diriger comme elle le souhaite, mais dès qu'elle tourne la tête, son cerveau semble totalement oublier la présence même de sa main, qui retombe alors mollement sur le lit. Ce n'est qu'après beaucoup de temps qu'une gestuelle finit par s'installer. Oh pas une gestuelle naturelle non, mais plutôt un mode de fonctionnement basé sur le souvenir des gestes qu'elle a perdu.
La patiente se met alors à jouer une sorte de danse, ses mouvements étant artificiels, calculés, articulés selon des souvenirs empreint d'une certaine théâtralité. Ce n'est que comme ça, avec cette espèce d'artifice dans les mouvements, que la patiente finit par retrouver une vie normale.
J'ai été une fois de plus assez touchée par ce récit qui fait état d'une personne, d'une conscience presque prisonnière de son propre corps, de même que j'ai été touchée en lisant un passage où il est expliqué que cette patiente est beaucoup moins comprise par "les gens", qu'une personne ayant un déficit clairement visible, comme par exemple une personne aveugle. Le monde extérieur est alors incapable d'identifier au premier coup d'oeil ce dont elle souffre, et les gens se mettent donc à la juger sévèrement, la prenant parfois pour une malade mentale.
Cependant, et malgré ce détail amer, j'ai trouvé ce récit intéréssant du point de vue de la faculté qu'a le corps et l'esprit à compenser une perte.
J'ai le souvenir par exemple de mes cours de biologie, en terminale, où il était expliqué que certaines aires du cerveau sont spécialisées pour un sens en particulier, et que lorsque ce sens est absent, par exemple pour un aveugle, ce sont les autres sens qui viennent compenser le vide. Ainsi certains aveugles sont capables de se déplacer grâce à des claquements de langue, reproduisant ainsi le système de sonar que l'on retrouve chez certains mammifères et que nous, voyants, sommes incapables (?) de reproduire.

Cette idée de compensation est interrompue avec le chapitre "l'homme qui tombait de son lit" qui fait état d'un homme qui ne reconnaît plus sa jambe. Il se réveille alors dans son lit, prenant sa jambe pour la jambe d'un mort. Complètement apeuré, écoeuré, il décide donc tout naturellement d'ejecter ce morceau de corps de son lit, mais sans comprendre pourquoi, finit inlassablement par poursuivre la jambe coupée dans sa chute. A aucun moment l'homme ne comprend que c'est sa propre jambe qu'il pousse hors du lit, et que par un procédé physique simple, quand il pousse sa jambe dehors, le reste du corps ne peut que suivre...
Cette perte de conscience d'un de ses membres est dûe à une lésion cérébrale bien précise qu'il n'est pas utile de t'expliquer...et que d'ailleurs l'auteur lui-même n'a pas vraiment pris le temps d'expliquer, puisque ce chapitre est un des plus courts de tout le livre !

Ce n'est qu'en lisant "les mains" que la boucle est bouclée. Dans ce volet est racontée l'histoire d'une femme aveugle de naissance, âgée de 60ans, et qui compare ses mains à des bout de pâte à tarte. Elle est capable de bouger ses mains comme tout le monde, mais demeure dans l'incapacité d'identifier un objet par la force du toucher. Toute sa vie, cette femme a été couvée de manière à ne jamais se servir de ses mains, jusqu'au jour où son cerveau fut atteint d'un trouble bien spécifique, l'amenant à consulter le docteur Sacks. Celui-ci comprend alors que sa patiente a en quelque sorte "oublié" de quelle manière on pouvait identifier les choses grâce au toucher. Elle était non seulement aveugle, mais aussi "aveugle au toucher" si je puis dire.
Sacks se demande alors comment rétablir cette fonction cérébrale que la patiente ne s'est jamais réellement donné la peine d'apprendre, et décide finalement de provoquer une sorte de déclic. Pour se faire, il demande à l'infirmière chargée des repas d'écarter volontairement les plateaux de la patiente, pour que celle-ci, poussée par la fin, finisse par prendre l'initiative de se lever pour aller chercher à manger. Bienentendu, il ne s'agit pas de laisser la pauvre femme mourir de faim, mais plutôt de la pousser à agir pour provoquer ce fameux déclic...et ça marche !
C'est finalement agacée et poussée par la fin que les mains de la patiente se mettent pour la première fois à chercher à manger sur le plateau, pour finalement identifier un bagel.
C'est cette découverte de la part de la patiente qui fut l'origine du déclic. Le cerveau ayant immédiatement analysé le processus, il fut alors capable de le reproduire, et de le perfectionner.
Voilà comment, grâce à un bagel, une femme reprit conscience du fait qu'elle pouvait se servir de ses mains pour identifier les choses, les comprendre et les apprécier.
C'est à la suite de ces expériences que la patiente développa de grandes qualité artistiques en matière de sculpture. Particulièrement avide de découvrir le monde et ses mystères, elle a rapidement eu l'envie de reproduire ce qu'elle touchait en utilisant de la glaise. Ainsi devint-elle une artiste connue, ainsi son cerveau, à 60ans, apprit à identifier les choses au toucher, capacité que nous sommes tous appelés à intégrer dès notre plus tendre enfance.

De ces trois chapitre je retiens ces points:
-premièrement, nous sous-estimons beaucoup trop la nature évidente de notre proprioception, et de la même manière, nous ne nous reposons que trop sur notre capacité naturelle à avoir conscience de nos propres membres, ce qui me pousse à imaginer, penser, imager, toutes ces personnes qui, d'une manière ou d'une autre se retrouvent plus ou moins prisonnières de leur propre corps, quand celui-ci ne devient pas carrément un membre inconnu, terrifiant, poussant ainsi la chose jusqu'à l'aliénation.
-ensuite, ces chapitres ont confirmé que le cerveau était bel et bien capable de compenser une perte, d'une manière ou d'une autre, que cela soit en faisant appel à la mémoire, ou en étant sollicité par des exercices, provoquant un déclic qu'il sera à même d'assimiler et de reproduire avec le temps.
-enfin et pour finir, non seulement le ceveau est capable de compenser les pertes, mais il est aussi capable d'apprendre, et cela à tous les âges de la vie.

Le prochain chapitre est intitulé "Fantômes", peut-être celui-ci continuera de m'en apprendre sur la faculté qu'a le cerveau de se souvenir, d'apprendre et en même temps de perdre une notion bien particulière ?

À bientôt donc.

M.